La bottega del caffè
Quand je composai la présente comédie, je la fis avec le Brighella et l'Arlequin, et elle eut partout, à vrai dire, un très heureux accueil. Malgré cela, au moment de la livrer à l'impression, j'ai cru mieux servir le public en la rendant plus universelle, en y changeant en Toscans non seulement les deux personnages susdits, mais encore trois autres, qui parlaient en dialecte vénitien. [...]
Cette comédie a des personnages si universels que partout où elle a été représentée, on la croyait faite sur le modèle d'originaux que l'on reconnaissait. Le Médisant entre autres trouva son prototype partout, et il me fallut parfois supporter, bien qu'innocent, le reproche de l'avoir copié poussé par la malignité. Non, certes, je ne suis pas capable de cela.
Mes personnages sont humains, vraisemblables et peut-être vrais, mais je les tire de la foule universelle des hommes, et le hasard veut que quelqu'un se reconnaisse en eux. Quand cela arrive, ce n'est pas ma faute si le personnage mauvais ressemble au vicieux ; mais c'est celle du vicieux qui pour son malheur se trouve attaqué par le personnage que je dépeins.»
Carlo Goldoni.