Barouffe à Chioggia
TONI
Bon ! fais porter tes rougets au Lustrissime si tu veux les lui faire porter. Mais qu'est-ce que tu crois ? Que si tu avais besoin de quelque chose, il bougerait seulement de sa chaise ? Quand il te verra, il te mettra la main sur l'épaule : Bravo, Beppe, je te remercie, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Mais si toi tu lui dis : Lustrissime, j'aurais besoin de ci ou de ça, il a oublié tes rougets : ta figure ne lui dit rien ; il ne te connaît plus, ni comme son compère, ni comme son prochain, ni comme rien du tout en ce monde. " À Chioggia, par un matin d'automne où l'orage menace. Le sirocco doit ramener du Sud les pêcheurs qui sont en mer dix mois par an. Assises devant leurs portes, épouses et promises les attendent en travaillant nerveusement à leur dentelle: les hommes auront-ils échappé aux dangers de la mer, la pêche aura-t-elle été bonne et se seront-ils pourvu à l'escale de provisions et de cadeaux ? Et les promis, auront-ils acheté la bague qui les engagera définitivement à leur promise ? D'ordinaire, la période des fiançailles est le printemps; mais à Chioggia, seule la fin de l'automne voir revenir les hommes, dans l'urgence de rattraper un printemps d'absence.
Or voici que s'en mêle Toffolo, orphelin et jeune homme en trop. Une taquinerie, un malentendu grossi par des médisances, la jalousie des amoureux: disputes et bagarres explosent, entraînant dans leur mouvement le bienveillant Isidoro, représentant de la justice vénitienne... La fête finale l'écartera pour célébrer les deux mariages prévus et un troisième inattendu, le quartier réconcilié et l'ordre renouvelé, la relève des générations et l'intégration au monde des pêcheurs du jeune homme en trop.