Lettres à la fiancée
Quelques mots de toi, mon Adèle chérie, ont encore
changé l' état de mon âme. Oui, tu peux tout sur moi,
et demain je serais mort que j' ignore si le doux son
de ta voix, si la tendre pression de tes lèvres
adorées ne suffiraient pas pour rappeler la vie dans
mon corps. Combien ce soir je vais me coucher différent
d' hier ! Hier, Adèle, toute ma confiance dans l' avenir
m' avait abandonné, je ne croyais plus à ton amour,
hier l' heure de ma mort aurait été la bienvenue.
-cependant, me disais-je encore, s' il est vrai qu' elle
ne m' aime pas, si rien dans mon âme n' a pu me mériter
ce bien de son amour sans lequel il n' y a plus de
charme dans ma vie, est-ce une raison pour mourir ?
Est-ce que c' est pour mon bonheur personnel que
j' existe ? Oh non ! Tout mon être lui est dévoué,
même malgré elle. Et de quel droit aurais-je osé
prétendre à son amour ? Suis-je donc plus qu' un ange
ou qu' un dieu ? Je l' aime, il est vrai, moi, je suis
prêt à tout lui sacrifier avec joie, tout, jusqu' à
l' espérance d' être aimé d' elle, il n' y a pas de
dévouement dont je ne sois capable pour elle, pour un
de ses sourires, pour un de ses regards ; mais est-ce
que je pourrais être autrement ?