Mon livre surprise
Une chute très lente
Retour sur l’enfance, flash-back sur les souvenirs, précis sur les méthodes pour remplir le temps de la solitude, le livre d’Anita Brookner, outre son titre, ne présageait rien de nouveau et avait l’allure d’un plat convenu et fade. Sacrée surprise, il prouve que le roman à l’ancienne peut laisser un écho chez bien des jeunes âmes, parce qu’il sait renouveler toutes ces méthodes que sont le découpage, le rythme, le suspens. Curieusement, les héroïnes, deux sœurs anglaises proches de la retraite qui vieillissent en s’épiant, surprennent. Le regard porté sur la place du travail également. Au fil des pages, on se surprend à les apprécier sans les plaindre ni les juger, et on se laisse interroger. Cette capacité à s’embourber dans des diktats familiaux, à regarder la vie comme un film dont on ne serait ni le metteur en scène ni le scénariste, serait-ce la nôtre ? Quand faut-il renoncer au plaisir et d’ailleurs qu’est-ce que le plaisir ? Vivre seul, est-ce mourir doucement ? Voilà quelques-unes des questions pointées par cette grande dame du roman. Au-delà, cette antithèse au roman à la mode impose une langue riche, classique, balzacienne, qui doit sans doute beaucoup à une traduction, précise et sans emphase. Intuitivement, on la pressent très fine, un peu comme si l’on devinait l’empathie de la traductrice avec son sujet. Une chute très lente est un livre qui flirte avec le chic anglais, surmonté de ces petites anicroches d’eÎntricité dont sont capables les gens de ce pays. Un vrai ravissement.