Que dans mon bloc-notes de rentrée, il ne soit guère question que de moi et du roman que j'achève inquiète les miens, qui craignent que les lecteurs ne s'en montrent scandalisés. J'aurais dû, selon eux, ajouter mon grain de sel à tout ce qui cuit à petit feu ou à grand feu au Vietnam, au quartier Latin, ou à Prague. " Tu ramènes tout à toi ! ", me reprochait déjà ma mère. Dans le cas présent, je ne crois pas avoir cédé à l'intérêt que je me porte (bien que rien ne m'intéresse plus au monde, en ce mois de septembre 1968, que le roman dont je suis sûr maintenant de venir à bout). J'ai moins cédé à cet égocentrisme inguérissable qu'au désir de fuir l'actualité " foisonnante ", comme dit de Gaulle, et que la presse du monde entier commente chaque jour si abondamment et si intelligemment - de sorte qu'il n'existe plus guère à l'amateur que je suis que de parler de ce qu'il connaît, c'est-à-dire de lui-même. »

François Mauriac Bloc-notes du 9 septembre 1968