Renaissance et Réforme
L'histoire du XVIe siècle tient une place capitale dans l'oeuvre de Michelet. Pendant dix ans, il s'est enseveli dans l'histoire de la Révolution, il en a, en son coeur et en sa chair, partagé intimement les fièvres, les angoisses et les illusions. Il en est sorti dans un état de grand épuisement intérieur. C'est à travers la Renaissance qu'il va s'efforcer de renaître à lui-même, d'opérer sa propre résurrection. "L'homme est son propre Prométhée", dira-t-il en 1867 en dressant l'inventaire de toute son oeuvre, et nulle époque ne répond mieux pour lui à cette vocation prométhéenne de l'humanité. Car, au coeur du XVIe siècle, il retrouve cette passion d'être, cette ardeur de vivre que la civilisation moderne lui semblait avoir profondément érodées. La figure centrale de cette fresque, c'est Rabelais, celui qui s'aventure dans les chemins de la connaissance comme le fit aux temps mythiques l'enchanteur Merlin : en riant. Et ce qu'il nous murmure ici, à travers Michel-Ange, Dürer ou Luther, c'est que la seule voie ouverte à notre désir est celle de la joie. Le XVIe siècle est une expérience du bonheur : somptueuse et dérisoire, tragique et absurde comme toutes les entreprises humaines, elle est cependant la seule expérience que les dieux nous jalousent, la seule qui nous ouvre à notre condition vraiment divine.