La poésie du Moyen Age
Un des premiers poèmes de notre langue, Saint Alexis, inspire une pièce à Henri Ghéon. Une chanson de toile contient les mots et les rythmes du Pont Mirabeau de Guillaume Apollinaire. Arnault Daniel dicte à Aragon sa Leçon de Ribérac. Les fatrasies introduisent au surréalisme, au non-sens. Le temps médiéval, les descriptions de la geste sont proches du Nouveau Roman, l'art des rhétoriqueurs des recherches de laboratoire d'aujourd'hui.
Les héros de la Chanson de Roland sont dignes du western. Une anti-geste, Le Pèlerinage de Charlemagne, lui répond, superproduction sur le grand écran de l'Europe en quête de l'Orient, avec Supermen, mise en scène somptueuse, parade fantastique, gabs et gags. Raoul de Cambrai : l'horreur des Oradours d'antan. Le Charroi de Nîmes : histoire de corps-francs. Iliades, Odyssées gothiques. Epopées tragiques, joyeuses, picaresques.
Des précurseurs de l'Arioste, Rabelais, Shakespeare, Corneille, Perrault, Hugo, Walter Scott, Alexandre Dumas, Jules Verne, du roman feuilleton, d'épouvante, d'amour. La science-fiction, l'héroïc fantasy : palais tournant sous le souffle du vent, machines volantes (Cléomadès, Le Cheval de fust), exploration sous-marine (Alexandre), remparts aimantés, parachutes improvisés, etc. Le merveilleux : géants et nains, chevaux parlants, fées, épées magiques, peuples surnaturels, bestiaires fantastiques. Réalisme : vie quotidienne, grandes familles, vendettas. Les ancêtres de Tarzan, Mowgli, Blanche-Neige. Chrestien de Troyes se retrouve chez les préclassiques, les romantiques, chez Ann Radcliffe ou Lewis, Cocteau, Delannoy, Prévert, Carné, Bunuel, Dali, Duras, Rennais, Bresson. Il inspire arts et littératures. Les sociétés en crise apparaissent. Héros ténébreux et subtils, courtoisie, découverte de la beauté, du mystère. Et soudain, le Peuple méprisé par la Geste : revendications sociales des paysans du Roman de Rou, des tisserands d'Yvain.
La femme esclave. Mais : Marie de France égale aux plus grands. Christine de Pisan analysant la condition féminine, parlant d'émancipation, soulevant tous les problèmes.
Et, puis la poésie d'Oc, moderne : Guillaume IX est de notre temps. Marcabru, Cercamon, Daniel précèdent Mallarmé. Bertran de Born : poésie des armes. Jaufre Rudel et cent autres fous d'amour. Peire Cardenal : engagement et violence. Tous les genres présents. Poésie assassinée : une première fois par Simon de Montfort, une seconde par l'oubli de bien des manuels.
Au Nord : Guernes de Pont-Sainte-Maxence, reporter-poète, immense ! Thibaut de Champagne invente la préciosité. Pathétisme des poètes d'Arras. Frais chanteurs. Rutebeuf qu'on ne saurait réduire à une chanson, si belle soit-elle, le poète au large registre : à la source vive de l'humanité, il découvre un univers communicable. Contestataire, poète majeur, à l'origine du renouveau universitaire, il renverse un univers.
Lieux de la satire avec bibles, ysopets, fabliaux, Romans de Renart où se dépeignent les mentalités, fête grotesque, déjà Panurge, Tartuffe, Gil Blas, Figaro. Poésie corps enseignant : bestiaires, abécédaires avant le sonnet de Rimbaud, histoire, théologie, traités doctrinaux, esthétique, manuels en vers. Le Roman de la Rose règne durant des siècles, forme notre Divine Comédie, exprime Janus, l'homme double.
Hors des frontières actuelles : d'Espagne à Venise avec la civilisation occitane, du pays de Vaud (Othon de Grandson) à ce qui deviendra Belgique (Molinet et les chroniqueurs de Bourgogne). Le théâtre d'avant-garde avec miracles et mystères : happening, scènes simultanées, participation collective, Grand-Guignol, Brecht, Goldspel, Théâtre du Soleil. Comique : les ancêtres de Ionesco ou Obaldia.
La littérature profitera des travaux des rhétoriqueurs : jeux langagiers, assouplissements, Oulipo déjà. Injustement traités, ces témoins eÎptionnels expriment leur temps. Machault, Deschamps, puis Chartier, Charles d'Orléans : points de départ. Villon jette ses étonnement durables. Phénomène spontané ? Rattaché à ses prédécesseurs, il subit des influences, améliore, ouvre l'époque moderne. Des florilèges commencent avec lui : on oublie allégrement cinq siècles de poésie.
Obscurs, ces siècles du Moyen Age ? N'accusons que notre cécité. Puisse ce voyage amoureux attirer des lecteurs vers les œuvres de ces hommes d'hier, si différents de nous et si proches. Arrachons-les au ghetto. Ecoutons leur belle histoire.x9b