Le duc de Richelieu : 1766-1822
Vous savez que j'ai toujours eu un faible pour les déserts". A la fin de sa vie et sur le point d'être appelé une dernière fois au pouvoir, en 1820, Armand-Emmanuel de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu, confessait encore sa nostalgie du grand large. Après avoir guerroyé contre les Turcs et les Suédois dans les années 1780, après avoir été le chevalier d'aventures dont il rêvait enfant, après avoir gouverné les immensités du sud de la Russie pour le compte du tsar Alexandre Ier, après avoir fondé des villes - comme Odessa - et civilisé les âmes, cet aristocrate fut, à l'égal de son arrière-grand-oncle le cardinal, " l'homme en rouge " cher à Victor Hugo, mais à sa manière, l'un des grands hommes d'Etat de la France du XIXè siècle. Napoléon aurait voulu l'avoir à son service. Il fut finalement, et à deux reprises, le Premier ministre de Louis XVIII, libérant le pays d'une occupation militaire décidée aux lendemains de Waterloo, gouvernant avec courage sur des ruines, cher-chant obstinément à terminer la Révolution dans le dédale des passions françaises. Par son action et son caractère, il s'affirmera peu à peu comme l'une des figures les plus originales et les plus étonnantes de son temps. Chez lui partout en Europe, modéré et pragmatique, civilisé jusqu'au bout des doigts et sauvage tout à la fois, solitaire et lucide, secret et sentimental, il fut en politique ce qu'un honnête homme est en société. " La parole du duc de Richelieu vaut un traité ", disait de lui le duc de Wellington. A deux siècles de distance, l'homme nous apparaît soudain étrangement familier, paradoxal et moderne.