La séance du mercredi à 14 heures
Comme rien ne m'arrivait, mon adolescence se confondit avec le cinéma. Je ne m'en suis pas remis. J'avais quinze ans et la vie n'existait que sur l'écran. J'ai vu trop de films. J'ai été Antoine Doinel et le Robert Redford de Nos plus belles années. En tout cas, j'étais persuadé que l'avenir ressemblerait à ça. C'étaient les années 70. Truffaut était encore vivant. Sautet tournait de bons films. Woody Allen débutait. Pascal Jardin adaptait Simenon. Toutes les femmes imitaient Romy Schneider. Le cinéma fut sans doute ma plus grande passion. Cette passion était féroce, exclusive, ridicule. À côté des films, les livres ne valaient rien. Tout mon argent de poche y passait. J'écoutais Le Masque et la Plume. J'apprenais par cœur les critiques de Jean-Louis Bory. Il est mort le même jour que John Wayne, en 1979. Il n'est pas interdit de voir là comme un symbole, la fin de quelque chose. À Paris, les salles fermaient une par une. La télévision s'infiltrait partout. Le cinéma que nous aimions était en train de mourir. Mais c'était peut-être moi qui vieillissais. Je ne suis pas sûr que ça soit aussi simple. Aujourd'hui, je vais voir les films en projections privées et ma femme m'a abonné au câble. Nous sommes en 1998.» Éric Neuhoff.