Journal, 1922-1989
Tenu d'octobre 1922 à novembre 1989, le journal de Michel Leiris n'est intime qu'en raison d'une classification commode. Tout au long de ces pages, c'est sur le sens, autant que sur la fonction d'une telle entreprise que Leiris s'interroge, s'attachant à y « projeter son propre reflet d'une manière absolument concrète », c'est-à-dire sans retouche ni ornements. Notées au jour le jour, avec des interruptions allant parfois jusqu'à des mois, voire des années – période où il se trouve en voyage ou en mission ethnographique, mais qu'il a retracées dans des carnets jusqu'à présent inédits – , les observations et réflexions sont plutôt celle d'un journal d'enquête dont soi-même serait devenu à la fois l'objet, l'informateur et l'interlocuteur. Ni Mémoires, ni chroniques, ni « confessions » donc, mais journal à bâtons rompus comme cela peut se dire d'une conversation, qui confère de la présence, donne de la voix à ce document publié ici dans son intégralité. En même temps qu'il éclaire sous divers angles, à différents moments d'élaboration, une œuvre qui s'est voulue essentiellement autobiographique, ce journal réfléchit les mouvements de pensée et de création qui, de notre modernité, ont cherché à se porter à la pointe non sans parfois la contester, et auxquels Michel Leiris a adhéré : du surréalisme à l'existentialisme, en passant par la psychanalyse et l'ethnologie.