Aurora
Rédigée en 1927-1928, publiée en 1946, Aurora, à la fois exploration périlleuse des rêves, longue hallucination du corps des femmes, expérimentation du langage, confiance absolue ajoutée aux pouvoirs de l'imagination, contient en outre le premier en date des récits autobiographiques de Michel Leiris, donné ici sous l'anagramme, si prestigieux, de Damoclès Siriel. Comme jadis Rome vouait le supplicié à l'escalier des Gémonies, dans ce tumultueux roman d'amour la langue soumet le narrateur, entre l'avant-dernière marche et la rampe-cordelière, la panoplie et la gravure désuète, le souvenir des livres et la profondeur énigmatique d'un corps, à la libre sauvagerie du nom de l'héroïne. Aurora, fille d'Hypérion, sueur du Soleil, mère des Vents et des Astres, selon les formes que son nom revêt (Eau-RôRâh, OR AUX RATS, Horrora, etc.), décide de la nature des épisodes et des épreuves, et les fait s'enchaîner, bâtissant un tissu de chimères autonomes, où débondent les terreurs comme prolifèrent les mondes, comme s'irritent les désirs. Elle rejoue un sacrifice sans âge : corps sans cesse démembré et réarticulé sans fin, nom unique dont la perte est consommée indéfiniment.