Un album de silence
Toutes ces fibres en moi qui vibraient au moindre souffle de vent, au sourire d'un enfant, au chant d'un violoncelle, à l'arrivée du printemps... je ne savais pas que ce sentiment d'allégresse, maintes fois ressenti depuis l'enfance, c'était la joie. Cette joie perdue, je suis restée prisonnière d'une saison d'amour où j'erre sans fin, je reconnais ces murmures, ces rires étouffés, ces comptines, ces chuchotements derrière les persiennes tirées sur la pierre brûlante des siestes. Rien encore ne m'avait tuée. Aucune lame ne m'avait transpercée, j'aurais préféré perdre l'usage d'un membre plutôt que la joie, l'amour, le goût du partage et cette gaieté qui était la mienne. Aujourd'hui, restent les mots pour dire ce qui a disparu. Il est temps pour sauver les images heureuses du passé avant de tourner la page ultime de cet album de silence.