Trois mères, trois fils
Il n'est pas rare que les proches d'un grand écrivain méconnaissent à la fois la valeur de son œuvre et les ressorts de sa vie.
De toute évidence, ni Mme Baudelaire, ni Mme Verlaine, ni Rimbaud n'ont été passionnées par les recherches prosodiques de leur fils.
D'ailleurs, aucune des trois ne s'est jamais targuée d'une quelconque culture littéraire. Aucune des trois n'a deviné ce qu'il y avait de sublime dans les plus simples poésies de leurs rejetons.
Et pourtant, chacune des trois a souhaité la réussite du sien dans le domaine des réalisations temporelles. Y aurait-il une contradiction abyssale entre maternité et génialité ?
Au fond, ce qui unit ces femmes malgré leurs différences apparentes, c'est la primauté qu'elles donnent à la vie par rapport à l’œuvre. Elles sont, dans leurs coins respectifs, mêlées aux mêmes combats de l'existence quotidienne, alors que leur progéniture se complaît dans une spéculation intellectuelle dont le sens leur échappe.
Elles ressemblent, avec leur aveuglement, à trois poules consciencieuses, lesquelles, ayant couvé des œufs de canard, considèrent avec stupeur ces faux poussins prêts à s'aventurer sur l'eau au risque de se noyer.