Les Lettres D'Amabed
Birma, entends mes cris, vois mes pleurs, sauve mon cher époux ! Brama, fils de Birma, porte ma douleur et ma crainte à ton père ! Généreux Shastasid, plus sage que nous, tu avais prévu nos malheurs. Mon cher Amabed, ton disciple, mon tendre époux, ne t’écrira plus ; il est dans une fosse que les barbares appellent prison. Des gens que je ne puis définir, on les nomme ici inquisitori[1], je ne sais ce que ce mot signifie ; ces monstres, le lendemain de notre arrivée, saisirent mon mari et moi, et nous mirent chacun dans une fosse séparée, comme si nous étions morts ; mais si nous l’étions, il fallait du moins nous ensevelir ensemble. Je ne sais ce qu’ils ont fait de mon cher Amabed. J’ai dit à mes anthropophages : « Où est Amabed ? Ne le tuez pas, et tuez-moi. » Ils ne m’ont rien répondu. « Où est-il ? pourquoi m’avez-vous séparée de lui ? » Ils ont gardé le silence : ils m’ont enchaînée. J’ai depuis une heure un peu plus de liberté ; le marchand Coursom a trouvé moyen de me faire tenir du papier de coton, un pinceau et de l’encre. Mes larmes imbibent tout, ma main tremble, mes yeux s’obscurcissent, je me meurs.