La Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança

Miguel De Cervantes - Miguel De Unamuno - Jean Babelon

La Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança
Popularité
Popularité du livre : faible
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4.28
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....une sorte de paraphrase philosophique, mystique, initiatrice de l'oeuvre de Cervantès."

Voici un livre qui n'est pas de tout repos. Nous y inscririons volontiers en épigraphe les paroles ardentes qu'on y trouvera sous la plume de Don Miguel de Unamuro : "O mon lecteur, je t'aime tant que je voudrais te faire une blessure au coeur, y verser du sel et du vinaigre, pour que jamais plus tu ne sois en paix."

Rien de plus irritant, de plus lancinant et de plus attachant à la fois que ces pages où abondent les plus sublimes élévations, criées plutôt qu'écrites, de plus importun que ces pensées magnifiques, dont on ne peut se défaire et qui finissent par nous obséder.

L'auteur ne s'interdit rien, bien au contraire, de ce qui peut exaspérer notre entendement, rabrouer notre logique, ou simplement heurter nos respects, au point qu'il se soucie peu de se contredire lui-même, ou de nous offrir quoi que ce soit qui ressemble à un système coordonné. Il nous jette son défi à la figure : "Le discours de la méthode, c'est bon pour vous les français". Son livre n'est qu'un hymne à la pure folie. Ce ne sont ici que méditations, et les plus hautes et les plus exaltantes, au cours d'une lecture, des commentaires itinérants à la suite de Rossinante. Chemin faisant, ne dites pas qu'il arrivé à votre guide de vous meurtrir : il le fait exprès. Acquiescer, être de son avis ce serait redoubler sa fureur. Terrible homme!

Don Quichotte, ce fut le pôle de la vie de notre rude Biscayen. On en retrouve la hantise dans tous ses autres ouvrages, jusque dans ce sentiment tragique de la vie chez les hommes et chez les peuples, qui est la somme de sa philosophie. Don Quichotte et non pas Cervantès, car il lui arrive de traiter si durement l'héroïque manchot de Lépante, qu'il nous prend envie de défendre cet autre Chevalier à la Triste Figure, victime de tant d'injustice et de rompre une lance en sa faveur. Oui, Unanumo, s'il est quichottiste n'est pas cervantiste.

C'est notre droit, affirme t'il, que de considérer en elle-même la vie des héros que nous rencontrons dans les livres, même s'il faut aller contre la pensée de leurs auteurs pour déceler la vérité, qu'ils n'ont fait qu'entrevoir. Et il se peut que Cervantès, soufflé par son génie, par Cide Hamete Benengueli, ponctuel narrateur des exploits du grand Chevalier, n'ait pas compris toute la grandeur de son fils spirituel.

Celui qui devait la comprendre mieux que quiconque, c'est Miguel de Unanumo. Au mépris de toutes les méthodes d'exégèse des historiens de la littérature, il s'attachera à ce récit qu'on lui livre, et comme s'il s'agissait de la Bible, il en tirera les diverses interprétations, une morale chrétienne sans orthodoxie, qui laisse en marge et le catholicisme et le christianisme.

Ainsi ce livre est tout brûlant de foi, mais d'une foi sans dogme, la foi en Dieu, et la foi en la femme idéalisée dans la Vierge Mère. Et cela, Unanumo a raison de le proclamer, c'est la racine de l'héroisme de Don Quichotte.

Ces commentaires passionnés ont tout au moins le mérite de mettre à sa vraie place un livre qui est au nombre des plus grands dont puisse s'honorer non pas la gent des lettres, mais l'Humanité, un des rares livres éternels qui fournissent toujours l'aliment de nos réflexions les plus profondes, qui soient un trésor jamais épuisé.

Livres de l'auteur : Miguel De Unamuno - Jean Babelon - Miguel De Cervantes