Une expérience américaine du chaos

Jean Baptiste Thoret

Une expérience américaine du chaos
158 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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4.57
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En 1974, quand The Texas Chainsaw Massacre sort sur les écrans américains, qui peut augurer du sort fabuleux d’un film aussi insolite que réussi ? Car l’insolite n’est pas un gage de réussite, et la réussite n’est pas toujours synonyme du caractère insolite d’une œuvre. La réussite d’une oeuvre doit avant tout signifier son aboutissement. Et c’est ce que nous démontre avec brio et clarté l’ouvrage de Jean-Baptiste Thoret : écrire un livre sur l’absurdité et le chaos du monde contemporain à travers une prose aussi pertinente qu’efficace, voilà le plus bel hommage qu’on puisse faire à l’intelligence humaine. Pourquoi ? Parce que son analyse a le mérite de mettre en lumière les qualités les plus évidentes d’un film qui, avec les moyens techniques de l’époque, a permis d’éclairer les gouffres et les affres de quelques fous furieux hurlant et ricanant dans la violence la plus abjecte. Les éclairer pour mieux les montrer, montrer leur monstruosité.

Car dans ce film cauchemardesque où l’atrocité se réalise, c’est la sensation du Mal qui impose sa tyrannie narrative. Et l’analyse de Thoret tourne autour de cette tyrannie, en l’appréhendant par paliers, de degré en degré. Les différentes thématiques sont approfondies avec acuité, et se recoupent en ne se neutralisant jamais, au contraire, elles se complètent, s’enrichissent là où on attendait le piège des répétitions. La réflexion sociologique, les témoignages du tournage, l’histoire du film, ses problèmes de diffusion (en France notamment - voir à ce propos le dossier à la fin du livre, très révélateur de la mentalité d’une nation ), sa réception par le public et les critiques, la mise en parallèle avec Psycho de Hitchcock (page 92 par exemple), toutes ces pistes sont subtilement développées, ainsi que les références à différents peintres tels Bacon (page 77), Bosch (page 85) ou Edward Hopper (page 125).

Jean-Baptiste Thoret nous propose donc un ouvrage analytique riche et nécessaire, qui non seulement rend crédible un film que certains classent injustement parmi les séries B (à cause des a priori et des préjugés, ennemis de la découverte), mais encore élargit l’argumentation tout en la peaufinant, dans un style prouvant l’implication de son auteur qui offre de cette manière un véritable fruit de la pensée, de sa pensée, cela au sein d’une collection que tout cinéphile gourmand et averti devrait explorer : « Ciné films : Un film en question ». Pour acérer notre regard et, par là même, notre esprit. Surtout à l’aube du nouveau siècle, dont certains mauvais germes se trouvaient déjà dans Massacre à la tronçonneuse.

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