Un livre sur Mélanie Cabay
À l’été 1994, Foglia couvrait la Coupe du monde de Soccer, qui se déroulait pour la première fois dans un pays où tout le monde se crisse du soccer. Moi aussi je me crissais du soccer, ce qui ne m’empêchait pas de lire tous les comptes rendus de Foglia. Ma mère était abonnée à La Presse, mais je ne me souviens pas l’avoir vue lire le journal. Elle faisait les mots croisés en déjeunant. En ce qui me concerne, j’épluchais le cahier des sports minutieusement, je connaissais la moyenne au bâton de chacun des frappeurs des Expos, et la moyenne de points mérités de chacun des lanceurs. Pour le reste, je me contentais de survoler les manchettes. Je ne lisais en entier que les articles qui parlaient de Mélanie Cabay.
À l’été 1994, je me demandais souvent qui avait tué Mélanie Cabay.
C'est avec sa verve habituelle que François Blais aborde de plein fouet un sujet difficile et douloureux, celui de la disparition de Mélanie Cabay, survenue le 22 juin 1994. En fait, la disparition et la mort de la jeune femme servent de prétexte à un récit hybride, qui allie enquête policière et réflexions personnelles. Devant la violence faite à des dizaines de jeunes femmes, devant l'incapacité des forces de l'ordre à résoudre ces crimes odieux, François Blais répond avec un mélange de vulnérabilité et de sens critique qui secouent le lecteur. Si les souvenirs de cet été 1994 permettent un voyage dans le temps à la François Blais, la nostalgie est ici teintée de douleur, voire de culpabilité. Ces jeunes femmes qui disparaissent, ces Mélanie, Kristina, Karine ou Rosiana, François Blais les ramène à notre mémoire, leur redonne vie quelques instants, le temps de se dire qu'elles auraient pu être ses sœurs, ses copines, ses professeures. L'enquête qu'a menée François Blais auprès des membres de la famille de Mélanie Cabay, les échanges qu'il a eus avec ses amies et amis, de même que ses lectures minutieuses de tout ce qui concerne ce douloureux épisode n'ont rien de voyeur ou d'opportuniste. Au contraire, la tendresse et la douceur que l'auteur manifeste pour Mélanie, et avec elle, envers toutes les jeunes filles évoquées, rappellent en fin de compte qu'au-delà des statistiques et des “cold cases” se dissimulent des vies remplies de sourires, de promesses et de quotidien heureux.