Pubis angélical
Tout commence comme dans un rêve made in Hollywood dans les années 1930 : Lya Kolter, belle parmi les belles, épouse l'homme le plus riche de Vienne. Elle se réveille séquestrée dans un palais des Mille et Une Nuits... Son mari ordonne à distance le rythme de ses jours et fait brûler toutes les copies des films dont elle était la vedette. C'est qu'un secret démoniaque préside à sa naissance...
Lya réussira à fuir, mais pour devenir le jouet d'autres vampires, maîtres ou esclaves de la gloire, de la politique, de la trahison, alors qu'elle cherche la pureté et l'amour.
Un demi-siècle plus tard, dans un monde concentrationnaire, au milieu d'une nature envahie par les glaciers, W 228, portrait fidèle de Lya, vit un amour fou avec un étranger, malgré les interdits. Son châtiment sera de soulager la misère sexuelle des contagieux ; elle découvrira pourtant le caractère angélique du service rendu (d'où le titre du livre).
Un troisième destin de femme – bien contemporain, cette fois – dessine la trame réelle du récit. Nita, une Argentine, vient d'être opérée dans une clinique de Mexico. À travers ses conversations avec une amie, puis avec son ancien amant – militant péroniste –, comme par les fragments de son journal intime où elle essaie de composer une image satisfaisante d'elle-même, c'est l'atmosphère étouffante et le snobisme petit-bourgeois du Buenos Aires contemporain qui nous sautent à la gorge.
Nita est le lien vivant entre Lya et W 228, qui sont peut-être de simples projections de son imagination ; leurs fantasmes, leur soif frustrée d'un amour tel qu'on le voit à l'écran, leur obsession de la trahison, sont autant de facettes du subconscient collectif d'une génération et d'un milieu de midinettes riches, abreuvées de tangos.
Manuel Puig manie ici avec la même maîtrise le kitsch le plus délirant, l'intrigue policière, la psychanalyse. Mais, en même temps, il dresse un étonnant inventaire des rêves de pacotille et de la violence réelle qui sont le vrai visage de l'Argentine d'aujourd'hui.