Proust et ses amis
Marcel Proust n'interrogeait pas ; il ne s'instruisait pas au contact de ses amis. C'est à lui-même qu'il posait en silence de méditatives questions auxquelles il répondait ensuite, dans sa conversation, dans ses actes, dans son oeuvre... " Ainsi la poétesse Anna de Noailles répondait-elle dans ses souvenirs à la question qui traverse ce recueil d'études, chacune consacrée à un ami ou un groupe d'amis de l'écrivain : qu'attendait Proust de ses amitiés et qu'en fit-il, lui qui, les jours de tristesse, trouvait tant de réconfort à " aimer et être aimé " ? " Collant " aux yeux de ses camarades du lycée Condorcet, harassant pour ses amis éditeurs comme pour ses correspondants, menaçant pour ceux que sa sensualité, ses penchants sexuels, son indiscrétion ou ses stratégies affectives inquiétaient, le " visiteur du soir ", ainsi que l'appellera Paul Morand, eut souvent l'amitié abusive ; mais ses exigences avaient leur contrepartie : l'écrivain, généreux et fidèle en amitié, sut donner à ces relations intimes leur part d'éternité. Nous voici donc placés au plus près des grandes figures adolescentes, mondaines, ancillaires, littéraires et artistiques de la société proustienne, où les devoirs de l'amitié sont aussi ceux que se donne le créateur à l'égard de son oeuvre... " Rien du passé n'est perdu pour moi... ".