Oubangui-Chari, le pays qui n'existait pas
Fin 2016, les militaires français plient bagages. Trois ans plus tôt, dans le cadre de l'opération Sangaris, ils ont débarqué à Bangui, la capitale d'un pays oublié, le Centrafrique, pour lui éviter de connaître « un scénario à la rwandaise ». C'était la septième intervention française depuis l'indépendance dans ce pays aux allures de fantôme où sept habitants sur dix vivent dans une pauvreté extrême et où l'espérance de vie a reculé de dix ans. Pays fantôme, le Centrafrique – baptisé Oubangui-Chari par le colonisateur français – l'a peut-être toujours été. Certes, il a une capitale et un nom – il en a changé à six reprises. Il possède quelques kilomètres de routes goudronnées, une langue nationale et des ambassades. Un temps, dans les années 1970, l'empereur Bokassa, un autocrate délirant et sanguinaire, lui a conféré une triste notoriété. Mais que cache le décor ?
L'Oubangui-Chari est une invention française. À la fin du XIXe siècle, une poignée d'explorateurs et d'aventuriers – des militaires jeunes et exaltés, des missionnaires sans états d'âme, l'Évangile dans une main, le drapeau français dans l'autre – se sont élancés à la conquête du « dernier blanc de l'Afrique ». De ce vaste et lointain territoire ont hérité des sociétés concessionnaires qui se sont payées sur la bête. Mais la bête n'était pas grasse et lorsque, au début des années 1960, « la Cendrillon de l'Empire » s'est vu octroyer l'indépendance, le pays avait tout pour se déliter, sous l'oeil de l'ancienne puissance coloniale, qui n'a cessé depuis de peser sur les hommes et les événements.
Au terme d'une longue et minutieuse enquête, mélange de reportages, d'entretiens et de lectures, Jean-Pierre Tuquoi livre ici un récit surprenant et teinté de mélancolie, l'histoire romanesque et improbable de l'Oubangui-Chari.