Mont-Dragon
Quand Mme de R*** posait ainsi pour de rapides croquis au pastel, cette exhibition était insolemment, délicieusement, provocante ; et même à l'époque où, retrouvant les croquis, j'ai entrepris cette toile, elle méritait le qualificatif d'érotique. A présent, l'universelle imbécillité, qui mêle tout, a confondu avec la grossière sexualité ce qui était un art essentiellement d'élégance, de raffinement, de sublimation. Bien entendu, il procédait de l'instinct sexuel, mais il le transcendait en mettant son objet hors de portée de l'action. L'érotisme est un transfert du matérialisme à la spiritualité, du réel au surréel ; une transformation du facile, du banal, en impossible. [...] Ce tableau, si je l'achève, ne représentera pas une femme réelle mais la féminité érotique dans sa surréalité.
Un peu à la manière dont Restif voulait que son graveur, Binet, la représentât. Car l'érotisme ne change guère, ne vieillit pas, ne rajeunit pas. Il existait au temps de la Vénus callipyge, et les Grecs, les Phéniciens connaissaient le strip-tease. L'érotisme est né avec Ève. Comme la féminité virginale, la féminité maternelle, la féminité, etc. Ou bien avec Aphrodite. Il en porterait plus justement le nom. L'aphrodisme. Ou l'aphroditisme. Aphrodite anadyomène... (Robert Margerit, Singulier-Pluriel.)