Méditations pascaliennes
Dans ce livre, P. Bourdieu prend du recul à la fois sur sa propre recherche et sur les sciences sociales en général. Il tente de définir la conception de l’homme qui est sous-jacente aux sciences sociales, et de la différencier de celle que suppose la philosophie. Cette méditation se fait sous le signe de Pascal, qui est, selon Bourdieu, le seul penseur à avoir refusé ce qu’il y avait d’abstrait et d’irréel dans la façon philosophique de parler de l’homme (par exemple le fameux cogito de Descartes, qui suppose un homme abstrait, non situé socialement, économiquement, etc.). L’homme pascalien est en proie à l’imagination, à la coutume, au pouvoir social, etc. En ce sens, l’homme pascalien préfigure celui des sciences. Pascal a inauguré une critique interne de la philosophie, que Bourdieu appelle « philosophie négative », travail que les sciences sociales doivent aujourd’hui poursuivre. Il ne s’agit cependant pas d’un ouvrage sur Pascal : Pascal est un point de départ, et une sorte de thème musical que le livre rencontre régulièrement. Bourdieu y étudie également le rapport entre le travail intellectuel et l’institution. Le travail de l’esprit (et notamment celui des sciences sociales) suppose que le chercheur, payé par une institution (l’État), est complètement extérieur à ce qu’il étudie. Cette position d’extériorité, Bourdieu l’appelle « scolastique et montre qu’elle est source d’erreurs et d’illusions, y compris sur le plan scientifique : l’anthropologue, par exemple, décrit le mariage dans telle ou telle culture en termes de règles, alors qu’on le comprend beaucoup mieux si on le décrit en termes de stratégies, où chaque famille essaye d’obtenir le plus d’avantages possibles. L’illusion scolastique a pour effet de masquer la nature sociale des faits culturels ou même psychologiques, de faire passer pour éternel et naturel ce qui est en fait historique et déterminé.
--Ce texte fait référence à l’édition
Broché
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