Les légers arrangements avec la vérité, ce sont par exemple ceux des biographies plus ou moins autorisées de people qui font vendre du papier. Ou encore les rumeurs données sur le web comme parole d'Evangile, les traductions parvenant à faire dire à un texte le contraire de ce qu'il signifie, les interviews croisées qui ne croisent pas bien et qu'il faut rewriter, les communiqués divergents au terme des mêmes réunions suivies par les mêmes personnes, le jargon pseudoscientifique du "management"... Toutes choses à l'oeuvre dans ce roman. Simon Saltiel, que l'on a connu attaché temporaire d'enseignement dans Petits crimes contre les humanités, a un peu vieilli et légèrement monté en grade. Il est désormais maître de conférences à Paris 15 Val d'Ourcq, fac de lettres et sciences humaines construite sur le terrain mal dépollué d'anciens gazomètres de la banlieue Nord. Les conflits petits et grands y font rage, les raisons saugrenues de ne pas ou de mal travailler y sont innombrables... Et Simon va accepter la proposition d'un ancien condisciple devenu éditeur à succès : écrire un ouvrage de commande sur Iouri Zaïtsev, brillant intellectuel post-soviétique, spécialiste de la scénarisation du réel, passé par le Collège de France avant de devenir conseiller du prince pour des régimes en mal de façade démocratique. Expédié dans un tour du monde ultrarapide, Simon découvre l'existence d'un complot contre lequel il va monter une sorte de machination littéraire avec de vieux amis qui, eux, croient encore que les mots peuvent servir la vérité. Une blague sérieuse comme on les aime chez les anciens khâgneux...