La violence du calme
La foule marche, impassible, visages neutres, voix inaudibles, pas mesurés. Tous ces gens vont mourir. La rue est calme. Ils sont tous condamnés. Ils ne se hâtent pas, ils ne hurlent pas. Ils n'implorent pas : la contrainte est telle qu'ils le savent inutile. Ils passent. Mais où passe la terreur ? Où se loge l'oubli ? Où se crient les cris, où se pleurent les pleurs ? Où se déchaînent les crises, se déclenchent les scènes ? ...
Le calme des individus, des sociétés, s'obtient par l'exercice de forces coercitives d'une violence telle qu'elle n'est plus nécessaire et passe inaperçue.
Pour contraindre les passions à s'exprimer seulement dans les chambres, l'intimité ou dans les catastrophes ;
- pour juguler les cris de souffrance (ou d'amour), les plaintes de la misère, le gémissement des vieux, la colère des pauvres ;
- pour endormir ceux dont on assassine, leur vie durant, la vie ;
- pour que les désirs des pouvoirs étouffent le pouvoir du désir ;
- pour dissimuler que «l'enfer est vide, tous les démons sont ici»
- quelle longue, terriblement longue tradition de lois clandestines ! Et dont ne tient compte aucune révolution...» V. F.
Une critique radicale - en particulier de l'Histoire - et qui se refuse au chantage du faux optimisme, souvent criminel. Ouvert aux enquêtes sociales comme aux vrais manifestes - ceux de Hamlet, Lear, Sade, Proust, Don Juan, dont on trouvera ici des lectures inédites (et sur Freud quelques révélations) - un constat, imprévu, dit d'une voix scandalisée, brûlante et rigoureuse.