La lenteur des boeufs - Mémoire de la neige
Ces deux recueils de poèmes peuvent être lus comme deux moments d'un seul et même livre : ils n'annoncent pas simplement la disparition d'un monde, celle d'une civilisation dont ne subsisteraient que quelques fûts de colonnes ou les soubassements d'une ville saccagée, mais plutôt l'effacement d'une manière de vivre et d'être, exclusivement liée à la terre et au rythme solaire. D'aucuns diraient que l'écriture poétique de Julio Llamazarès notifie la fin de la vie paysanne à notre époque. La copieuse épigraphe empruntée à Strabon laisse présager que l'espace qui se crée dans les trente textes de Memoria de la nieve désigne bien des paysages espagnols. Mais, alors que la région occupée par les montaneses de Geographika regorge de vie et d'activité, en revanche, les campagnes d'aujourd'hui sont désertées par cette population qui fut contrainte, pour survivre, de se regrouper dans les faubourgs des grandes villes septentrionales.
L'on devine que ces déplacements se sont accompagnés d'une mutation, sans doute de mutilations que les lieux sont ici chargés d'évoquer, mais le profond malheur humain qui suinte à chaque émission de parole poétique va bien au-delà de ruptures économiques et historiques : il est aussi de nature philosophique.