La cité de Dieu
Pierre d'angle de la théologie et de la métaphysique occidentale, la Cité de Dieu est, avec Les Confessions (également édité en Pléiade par l'équipe de Lucien Jerphagnon), le deuxième livre-clé de saint Augustin. Si le premier relatait les étapes de sa conversion à la foi chrétienne, le second offre, pour la première fois, une véritable théologie de l'histoire. Sa rédaction, qui prendra treize années, s'enracine dans un événement tragique : la chute de Rome. En 410, en effet, la Ville éternelle est pillée par les barbares d'Alaric. L'onde de choc est immense et saint Jérôme écrit: "l'univers s'écroule." Si rien n'a pu protéger Rome, pas même les reliques des martyrs et les tombeaux des saints, où trouver alors de la protection ? Partant de cette interrogation, saint Augustin élargit le débat. Il réfute d'abord, avec une ironie souvent cinglante, la thèse païenne d'un drame suscité par l'abandon des anciens cultes puis élabore sa doctrine des deux cités. Deux cités, deux citoyennetés spirituelles, qui renvoient à deux royaumes, celui de la terre (symbole de la gloire passagère) et celui de Dieu (symbole de la sagesse éternelle) et dont l'affrontement résume l'histoire des hommes. Un face-à-face qu'il définit dans la phrase célèbre : "Deux amours ont bâti deux cités : celle de la terre par l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, celle du ciel par l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi." Des vingt-deux livres de ce traité sortira toute la philosophie de l'histoire jusqu'à Hegel et Nietzsche. --François Angelier