Un rat se faufile entre mes jambes. Je l’écrase avec la crosse de mon fusil Lebel, mon meilleur ami depuis le début de la guerre… Il a pris des coups… Il a pris des rides… comme moi… Il a toujours été fidèle. Jamais, il n’a failli… Si je suis encore en vie, ce matin du 20 août 1918, c’est en partie grâce à lui mais aussi à mes camarades, bien sûr !

Mais c’est surtout grâce à la chance… Mon Dieu, c’est l’enfer depuis tant d’années que je ne sais plus quel âge j’ai et depuis combien de temps je fais la guerre…

J’ai une barbe drue et longue, des poches sous les yeux, une peau burinée, une cicatrice me barre la joue gauche, stigmate d’une balle allemande… J’ai envie de vivre…

Je suis Lucien Kérouan, soldat du 47ème Régiment d’Infanterie de l’armée française… Je veux vivre car c’est bientôt la fin de la guerre et que j’ai des projets. Je veux redevenir un jeune homme libre !