Du bon usage des catastrophes
Comment vivre et penser dans nos sociétés du risque ? Comment conjurer le tragique de l’existence ? Comment, au milieu des décombres, surmonter tristesse, fatalisme et désespoir ? Questions ressassées, immémoriales, que le temps des catastrophes planétaires remet plus que jamais à l’ordre du jour. Chaque mentalité collective a sa façon d’y répondre. Le Japon a la sienne, exemplaire à bien des égards : l’impermanence du monde y est un fait acquis. L’Occident a d’autres recours, ancrés dans sa tradition judéo-chrétienne et non moins exemplaires. Ils lui permettent de voir le cataclysme comme une promesse de salut. Au-delà des usages pédagogiques et citoyens de la catastrophe, c’est l’approche apocalyptique des calamités, en plein renouveau, dont on voudrait ici, à la lumière des Ecritures, montrer l’extraordinaire efficacité symbolique. En analysant froidement ses procédés et ses rouages, ses coûts et bénéfices. Un audit sans concessions mais non sans ironie, qui conduit à recommander aux jeunes esprits aspirant à triompher dans la guerre des idées d’apprendre au plus vite un vieux métier plein d’avenir : celui de prophète. Au croisement de l’histoire des religions et du marché de l’emploi, ce réexamen d’une tradition trop oubliée pourra aussi se lire comme une brochure d’orientation professionnelle ». Régis Debray