D'or et d'oublis
Anne Cuneo, après Âme de bronze, nous convie à une nouvelle enquête de Marie Machiavelli: son compère, l’inspecteur Léon de la «Secrète» vaudoise a enquêté sur un accident de planeur au cours duquel un jeune avocat stagiaire genevois a perdu la vie. Mort suspecte: le planeur était fendu, le parachute ne s’est pas ouvert. Le policier n’arrive pas à croire au hasard; l’affaire ayant dû être classée sur ordre des supérieurs, il convainc Marie Machiavelli de se faire engager, sous un nom d’emprunt, en qualité de stagiaire dans l’étude en laquelle le défunt fourbissait ses premières armes.
…Mais ce nouveau polar d’Anne Cuneo doit aussi être lu à un autre niveau: la trame de fond est celle des fonds en déshérence, un thème sur lequel elle a travaillé avec deux de ses collègues de la Télévision romande en vue d’un téléfilm qui tournerait autour de ce problème. Elle a imaginé une intrigue dans laquelle les banques, pour une fois, sont absentes; elle se concentre sur d’autres acteurs, moins connus, de l’appropriation de biens ayant appartenu à des victimes, pas exclusivement juives au demeurant, de l’horreur nazie: des fiduciaires, des gérants de fortune, des études d’avocat.
Ce qui fait le charme de ce récit – en dépit de la gravité du sujet –, c’est aussi la distance que l’auteur prend, à travers la narratrice, par rapport à une certaine réalité lémanique.
En bref, ce deuxième roman policier d’Anne Cuneo permet au lecteur de passer une bonne soirée sans télévision; peut-être, le livre refermé, entreprendra-t-il, même s’il n’est pas insomniaque, une utile réflexion de fond.