Ame de bronze
D'habitude, je ne sais pas comment elle s'y prend, Iris a des allures qui font penser qu'elle va aborder la trentaine, alors qu'en fait c'est plutôt vers la cinquantaine qu'elle s'achemine.
Ce jour-là, pas du tout. Son visage était tuméfié, avec des stries bleuâtres, ravagé par une sorte panique muette, elle était mal maquillée, pas coiffée et ses yeux étaient vides. Elle dégageait des ondes de choc, des lames de fond de désespoir. " Iris, qu'est-ce qui se passe ? " " ... " " Qu'est-ce qu'il y a, Iris ? " " Il y a... il y a... " Elle s'est laissée tomber dans le fauteuil des clients et s'est mise à pleurer.
J'ai fait le tour du bureau, lui ai pris les mains. J'envisageais les possibilités : était-il arrivé malheur à son fils -Arnaud, dix-neuf ans, le fort en maths le plus drôle que j'aie jamais rencontré ? Michel, son compagnon, l'avait-il quitté sans préavis ? C'était un drôle de type. Apparemment primesautier, mais en réalité froid, égocentrique, je ne l'avais jamais trouvé à la hauteur d'Iris. Etait-elle menacée d'une grave maladie ? Etait-elle...
Qu'est-ce qui pouvait bien provoquer un désespoir pareil ? Elle pleurait à jet continu, comme le ciel de huit juillet, sans bruit, sans sanglots. C'était terrible. " Iris, je t'en prie, dis-moi ce qui se passe. " " Qu'est-ce qu'on t'a fait ? " ai-je insisté lorsqu'elle s'est un peu calmée. J'avais enfin posé la bonne question . D'une voix rauque, genre angine, elle a fini par lâcher : " On m'a... On m'a...
on m'a... Oh, Marie ! On m'a violée.