A la fin d'une lumineuse journée de vacances, la joie d'un enfant qui peu à peu se transforme en peur, puis en terreur, à mesure que la nuit tombe et qu'il faut passer par un bois obscur, que traverse soudain un train-fantôme... L'indéfinissable sagesse du cul-de-jatte Lindgren qui doit vivre dans un monde rétréci, rapetissé, où lui échappe tout ce qui n'est pas à sa hauteur... L'égoïsme des amants coupables que le Diable attend à la porte d'un infernal ascenseur qui les a fait descendre droit en Enfer... Les nouvelles groupées sous le titre Contes cruels ne méritent ce titre qu'au deuxième degré. Un récit de Pär Lagerkvist, si bref soit-il, n'est jamais un simple fait divers. Il laisse dans l'esprit du lecteur un long retentissement. Le fantastique est ici omniprésent, et devient l'auxiliaire ou l'interprète de la satire. De même que dans le pathétique Sourire éternel, Lagerkvist nous fait partager ses intuitions et ses rêves de poète : " Il y avait une fois quelques morts assis en groupe dans les ténèbres, ils ne savaient où, peut-être nulle part ; ils bavardaient pour passer l'éternité... " Ce " bavardage " est en fait tantôt un réquisitoire, tantôt un hymne de gratitude éperdue à la vie. Le procès de l'homme, de son destin et de son irrémédiable infortune, que Lagerkvist reprend de livre en livre, peut-être ne l'a-t-il jamais mieux approfondi que dans ces pages.