Un écrivain face à lui-même : ainsi se présente le dernier ouvrage d'Arthur Koestler. En rassemblant de larges extraits de ses écrits et en les commentant, l'auteur fait une œuvre originale où l'on découvre à la fois une autobiographie intellectuelle, une autocritique, une émouvante invitation au voyage vers des horizons peu explorés.

L'unité de l’œuvre d'Arthur Koestler apparaît comme évidente. Elle ressort d'une réflexion angoissée sur la condition humaine, comme si Koestler, incapable de se résigner à l'injustice, à l'obscurantisme et aux massacres, n'avait pu s'empêcher de "chercher des solutions."

Toutefois deux versants distincts de sa pensée se dessinent. C'est d'abord la "quête d'Utopie" - la recherche des solutions politiques - qui va de l'engagement communiste jusqu'à la lutte antistalinienne, en passant par l'expérience des kibboutzim, la guerre d'Espagne et les geôles de Franco. Période de dur apprentissage, dont témoignent des livres célèbres : récits et essais comme "La corde raide", "Hiéroglyphes" et "Le yogi et le commissaire", romans comme "La tour d'Ezra", "Spartacus", "Le zéro et l'infini."

Depuis 1950, cette quête a abandonné le propos politique : elle s'oriente vers une théorie de l'invention scientifique et de la création esthétique ("Les somnambules," "Le cri d'Archimède") et vers l'étude des tendances pathologiques et suicidaires de l'espèce humaine ("Le cheval dans la locomotive", "Janus"). Quelques excursions décevantes sur les terres des mystiques orientales ont ramené cet européen fervent vers un rationalisme pathétique qui, au travers l'intuition de l'infini, peut aboutir à une spiritualité nouvelle et à l’espérance d'une conscience cosmique.

Avec cet itinéraire, Arthur Koestler nous donne une leçon de courage et de générosité.

Chercher obstinément des solutions aux vrais problèmes de l'homme, c'est un devoir inéluctable, même si l'on est trop lucide pour croire au succès. Une malédiction pèse peut-être sur cette tour de Babel du savoir et de la sagesse. Peu importe, il faut continuer à la construire.