Poésie involontaire et Poésie intentionnelle
En 1937, dans L’Evidence poétique, Eluard écrivait : « Depuis plus de cent ans, les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés dans les rues, ils ont insulté leurs maîtres, ils n’ont plus de dieux, ils osent embrasser la beauté et l’amour sur la bouche, ils ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse et, sans se rebuter, essaient de lui apprendre les leurs ». Ainsi, dans cette anthologie de citations qui date de 1942, il affirme une nouvelle fois cette conception d’une poésie qui accueille aussi bien la parole involontaire, souvent populaire, fruit du hasard dans lequel le dire dépasse le « vouloir dire », et la parole intentionnelle où affluent les images, les combinaisons nouvelles, les jeux de répétitions et échos sémantiques. Un dialogue est ainsi ouvert entre les tenants de ces deux paroles, abolissant toute conception bourgeoise de la poésie et confirmant l’optimisme éluardien en une fraternité à laquelle il aspire. La particularité de ce recueil tient également en son dispositif de lecture : selon un ordre chronologique, en page de gauche (paire) s’affiche la poésie involontaire, en page de droite (impaire), la poésie intentionnelle. Voisinent de la sorte, et parmi d’autres, le facteur Cheval et Léon-Paul Fargue, Jacques Rigaut et Blaise Cendrars, la Religieuse portugaise et Salvador Dalí. A noter : les écrivains les plus prestigieux sont parfois classés parmi les poètes involontaires, tels Honoré de Balzac ou Dickens, qui rejoignent Dame Tartine et Nicolas Flamel. Une anthologie très personnelle donc, où humour et scandale font toujours bon ménage.