Heures indues
Huit nouvelles, les dernières publiées en espagnol par J. Cortazar, en 1983.
Ce livre comporte huit nouvelles. Ce sont les dernières que Julio Cortázar publia de son vivant, en 1983. Elles abondent en reflets et en interpolations concernant certains récits précédemment publiés : ainsi Bouteille à la mer, qui est une lettre adressée à l'actrice Glenda Jackson, où Cortázar lui raconte comment une fiction qu'elle lui a naguère inspirée – Nous l'aimons tant, Glenda – aurait trouvé des prolongements inouïs dans la vie...
Certes, les allers-retours entre ces deux pays de la réalité dont la frontière commune est un miroir légendaire, Cortázar les faisait sans même s'en apercevoir. Depuis toujours, depuis sa jeunesse, son adolescence, auxquelles, au demeurant, il revient dans ces derniers textes. Ainsi, dans la nouvelle intitulée Anabel, il raconte son travail de traducteur d'anglais et d'espagnol, lorsqu'il était jeune homme à Buenos Aires. Il lui arriva de servir d'intermédiaire entre une entraîneuse du port – Anabel – et un marin américain ; il traduisait depuis assez longtemps leurs lettres respectives quand soudain, un jour, il comprit, non sans effroi, que c'était grâce à ses services – sans lesquels ils ne se seraient pas compris à distance – qu'ils avaient réussi à commettre un crime...
Mais si Cortázar s'est décidé à écrire l'histoire, une quarantaine d'années plus tard, ce fut avant tout pour sauver de l'oubli Anabel elle-même. Par devoir envers elle – envers une ancienne tendresse.
Le secret de Cortázar, c'est qu'il ne pouvait rien entreprendre qui ne fût magique. Et le secret de son art de conteur, de ses jeux nostalgiques et angoissants se trouve dans le fait que l'étrange, l'envers du temps, la vie latérale des rêves finissent par se confondre avec nos expériences et nos craintes les plus intimes.