De l'essence de la vérité
Les élèves de terminale connaissent bien la fameuse caverne platonicienne où sont enfermés depuis toujours des prisonniers qui nous ressemblent : enchaînés comme nous le sommes à nos sens ils ne savent pas que ce qu'ils croient être la réalité n'est en fait qu'apparence, et que la vérité est ailleurs, conquête difficile. Cette célèbre allégorie qu'on trouve au début du livre VII de la République, Heidegger l'a particulièrement commentée dans ses cours d'université entre 1926 et 1934. La lecture qu'il en propose ici, exposée dans le courant de l'année 1931-1932, au c?ur du tournant de son ?uvre, révèle les grandes lignes de ce qui deviendra bientôt l'interprétation heideggerienne du platonisme. Avec Platon, la conception présocratique du dévoilement originaire de la vérité et de l'être cède la place à une problématique idéaliste du vrai qui scellera la destinée de la métaphysique occidentale. Point de bascule décisive donc que cette métaphore de la caverne. Les analyses heideggeriennes, loin de relever d'une quelconque histoire érudite des idées, s'efforcent de restaurer une pensée qui conduit au c?ur même des choses. Ce qui enthousiasmait les étudiants auxquels elles étaient destinées, comme en témoigne Hannah Arendt dans ses Lettres : "La rumeur le disait tout simplement : la pensée est redevenue vivante (?) ; un maître est là, il est peut-être possible d'apprendre à penser." Pour en savoir plus sur la philosophie platonicienne : les Concepts fondamentaux, de Heidegger, et Théétète, de Platon ; et sur Heidegger : Heidegger, introduction à une lecture, de Christian Dubois, et Dialogue avec Heidegger, de Jean Beaufret. -Emilio Balturi