Voyage en Pologne
Des champs plats passent furtivement, de petites forêts.
Au bord d'un cours d'eau, sous un pont de bois, une paysanne va pieds nus, foulard blanc sur la tête. Qu'est-ce que cela ? Troupeaux de boeufs. De nouveau des terres cultivées. Beaucoup d'oies blanches.
C'est la Pologne. " Un matin de septembre 1924, par la fenêtre du train qui l'emmène de Berlin à Varsovie, Alfred Döblin pose pour la première fois le regard sur la campagne polonaise. Il parcourra le pays pendant deux mois, mû par le désir de comprendre cet Etat voisin, tout juste sorti des cendres de la Première Guerre mondiale et qu'il connaît mal.
Posant sur toutes choses un regard curieux, notant au fil de ses promenades les impressions qui feront la matière de ce livre, il interroge sans relâche ses interlocuteurs : "Quelles forces, quelles puissances organisent l'Etat ? Qui gouverne, officiellement ou non ? Qui a faim, et qui est rassasié ?" Alerté par la montée de l'antisémitisme à Berlin depuis le début des années 1920, Döblin accorde une attention toute particulière à la population juive.
Le mode de vie de ce peuple ayant sa propre langue, sa propre religion et sa propre culture bouleverse le voyageur, lui-même d'origine juive. Ce monde décrit par Döblin a cessé d'exister: la guerre et la barbarie nazie ont anéanti la culture juive polonaise et bouleversé à jamais la physionomie du pays. Le témoignage de l'écrivain, façonné par le style puissant qui fait de lui l'un des plus grands auteurs allemands du XXe siècle, retrace les contours d'un monde disparu.