Vichy, un passé qui ne passe pas
Faut-il ranger le devoir de mémoires au pupitre ? Non pas, mais que cesse ce rituel infantile consistant à s'indigner tous les six mois parce qu'un scoop révèle que des Français ont collaboré, ou que Vichy fut complice de la " Solution finale " : on le sait, on le dit, on l'enseigne et on le commémore. L'important aujourd'hui n'est plus de dénoncer ou de dévoiler des secrets. Il est de comprendre et plus encore d'accepter. Non pas se résigner, mais accepter que ce passé, et peut-être plus encore la manière dont il a été géré après la guerre par la génération qui I'a subie, est révolu. D'autant que l'insupportable avec " Vichy "ÁÁce n'est pas tant la collaboration ou le crime politique organisé que ce qui fut au fondement même de l'idéologie pétainiste et qui eut, un temps, les faveurs du plus grand nombre : la volonté de mettre un peuple tour entier hors de la guerre et le cours de l'Histoire entre parenthèses. Cette tentation n'appartient pas seulement au passé : elle est constante - et les Français n'en ont en rien l'apanage. Il suffit, entre deux documentaires sur le Débarquement et la Libération, de s'interroger sur le sens de ces images lointaines venues du Rwanda ou de Bosnie, et d'imaginer ce que nous diront les générations futures. Elles ne parleront pas de Munich ou de Vichy. Mais de Kigali et de Sarajevo. Cest cela qui rend le souvenir de l'occupation si obsédant : il est le reflet permanent non pas de " nos " crimes, commis toujours par une minorité, mais de notre indifférence et de la difficulté de rompre, comme le Firent naguère les premiers résistants. [...] Faire exploser les tabous fut en ce sens nécessaire et salutaire, et hommage soit rendu à ceux qui ont allumé la mèche ou lancé les pavés. Mais aujourd'hui ? Le devoir de mémoire donne-t-il le droit d'ouvrir un procès perpétuel à la génération de la guerre ? D'autant que, pour la nôtre, l'obsession du passé, de ce passé-là, n'est qu'un substitut aux urgences du présent. Ou, pis encore, un refus de l'avenir.