Un coeur fanatique T2 - Une rose dans le coeur
Personnage paradoxal et énigmatique, Edna O'Brien est née en 1932 dans une ferme isolée du comté de Clare. Elle a grandi chez ses parents, subissant l'emprise fantomatique d'un père violent et alcoolique, avant d'être placée comme pensionnaire dans un couvent. Enfance typiquement irlandaise, sur cette terre de contrastes, de haine, de brutalité, de frustration permanente, qui va bientôt inspirer ses premiers romans.
Installée par la suite en Angleterre, Edna O'Brien va devenir en quelques années une célébrité du monde littéraire londonien et sera engagée comme journaliste au New Yorker. « La nature de la force qui me pousse à écrire n'est fias parfaitement claire pour moi. Une des raisons a nom : solitude. Je trouve la gaieté par les mots - par la lecture et l'écriture. L'écriture est proche de la prière; elle atteint les replis les plus profonds de l'être de l'écrivain, et plus tard de ses lecteurs. C'est un cri lancé contre la banalité; c'est la seule arme que j'ai pour repousser le aide.
A-t-elle éprouvé ce vide quand elle vivait, enfant, à la campagne, dans un milieu où Rebecca de Daphné Du Maurier était l'un des rares romans à circuler? Lu et relu, elle le connaissait par cœur. Mais très vite le besoin d'écrire se substitue à celui de lire, un besoin intense et désespéré « comme si les mots avaient toujours été là, attendant de sortir et de prendre forme suit le papier
L'amour demeure le sentiment privilégié qui soude les récits d'Une rose dans le cour. Edna O'Brien s'attache d'abord à décrire le monde des femmes, avec leurs frustrations et leurs humiliations, le monde de l'enfance et de la fausse innocence, et enfin celui de l'âge mûr et de la désillusion. Elle a le génie du ton et du mot justes. Elle ne force jamais le rythme. Et sa musique ne ressemble à aucune autre. C'est avec élégance, légèreté et, paradoxalement, avec une étonnante profondeur qu'elle s'attaque aux mystères les plus intimes. Ses descriptions, faites de l'extérieur, révèlent les mouvements intérieurs de ses personnages. Elle adopte un peu ce « regard de surface » que Joyce avait dans Cens de Dublin, une simplicité d'une acuité terrifiante.
Après avoir fait représenter plusieurs de ses pièces dont Virginia (une biographie de Virginia Woolf avec Kate Nelligan dans le principal rôle) à New York, et Flesh and Blood à Toronto, en 1986, elle vient d'achever, toujours pour la scène, une adaptation très libre de Madame Boaary. Comme Emma peut-être, elle est tentée de refuser la réalité. Et comme Flaubert, elle a pour le style une exigence aiguë.