Tombeau de Du Bellay

Michel Deguy

Tombeau de Du Bellay
240 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
Notes
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3.81
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Du Bellay, éternel second, étape sacrifiée de la scolarité, est en vérité l'un des tout premiers poètes modernes : déchiré, désarticulé, à la jointure d'un monde du Symbole qui décline (il le salue d'Olive) et d'un monde de l'oisiveté affairée où le poète, déserté de muse, appartient à son absence d'état, il découvre l'étendue de la perte : regret. Son poème, comme sa vie, retrace un virement : « chétif » ( « moins que rien »), il change d'un tout à un autre tout, passant par l'épreuve du rien qui fut sa Béatrice. Poète de tout malheur et du malheur d'être poète qui déchante, c'est grâce à l'expérience de la désolation en tout instant, à tout propos, qu'il invente la possibilité d'une nouvelle manière de tout dire ( « J'écris tout ce qu'au cœur me touche. ») En rupture avec le passé antique et récent, Pétrarque, ou Rome, ce passer du passé, le latin de ses maîtres ou le métier de noblesse; fidèle à sa dépossession, il invente la « rime en prose », poésie française, le journal de bord quotidien de son expérience poétique, l'écriture de l'errance, et du même coup, loyer inespéré de sa fraude, il écrit la seule franciade que nous puissions encore lire.

Ce « Tombeau », qui n'est pas une étude, se souvient de Du Bellay, et écrit en poèmes sur les faces de son mémorial encore un lien tendu à se rompre avec leregret; ébauche fébrilement une

« Défense » de poésie en période critique, se demande quelle déception, prolongeant la rupture avec la lyrique, sorte d'avatar ultime de l'imitation qui permet de dériver, peut nous laisser dire encore les choses sous un dernier jour.

Michel DEGUY

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