Pour une histoire des possibles
Et si le nez de Cléopâtre avait été plus court ? Si Napoléon avait remporté la bataille de Waterloo ? L'invitation à arpenter l'univers des possibles du passé n'est pas récente mais la position des historiens français à ce sujet semble arrêtée. Ces incursions mèneraient hors du domaine de l'histoire, celui des faits avérés. Ces fictions plaisantes seraient inutiles. Sans fascination ni rejet de principe, les auteurs s'attachent à revisiter cette ancienne question en dévoilant sa présence discrète, parfois honteuse, souvent implicite, dans les travaux d'histoire et de sciences sociales. Le raisonnement contrefactuel est courant et il mêle les intuitions les plus subjectives, les spéculations les plus absurdes et les hypothèses les plus sérieuses. Cerner précisément les conditions de sa pertinence et ses apports en termes de connaissance est l'enjeu de ce livre. Car, derrière ce raisonnement en apparence trivial, sourdent d'importantes questions : et d'abord celles des rapports entre histoire et fiction, de l'imputation causale, du déterminisme et de la contingence, ou encore celle de la vérité en histoire. L'architecture de l'ouvrage retranscrit l'itinéraire de recherche des auteurs. La première partie saisit la diversité des usages du raisonnement contrefactuel et de ses extensions, des plus loufoques aux plus sérieuses. Suit une séquence de décryptage qui s'attache à dresser l'inventaire des manières de faire et à évaluer leur pertinence pour la démarche historienne. Celles-ci devaient être expérimentées. C'est l'objet de la dernière partie du livre, qui entend éprouver sur pièces les questions et les outils forgés, dans le domaine de la recherche comme dans celui du partage des connaissances.