Mourir l'été

William Trevor

Mourir l'été
240 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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2.78
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Thaddeus, en ce mois de juin prometteur d'un bel été, a tout pour être heureux : une agréable demeure dans la province anglaise, une jeune femme pleine de bienveillance, Letitia, qui vient de lui donner un enfant — et les souvenirs de quelques anciennes maîtresses qui ne se laissent pas forcément oublier. La Mort fauche aussi dans la belle saison. Un accident idiot, et il lui faut déjà enterrer la douce Letitia. Est-il si triste que ça ? Ne l'avait-il pas épousée aussi pour son argent ? La vie continue, mais quelle vie au juste, et que faut-il espérer à présent ? Les tâches quotidiennes aident à répondre à cela : s'occuper de la maison, trouver une nurse pour le bébé, s'accommoder de la présence d'une belle-mère. Pettie se présente comme nurse mais ne trouve pas grâce aux yeux de belle-maman et se voit remerciée. Elle ne le supporte pas : une voix en elle — amour, lubie, folie ? — lui souffle que sa place est auprès de Thaddeus. Elle revient hanter les abords de la maison, saisit un prétexte pour en franchir à nouveau le seuil (une histoire de bague perdue), et finit par enlever le bébé. Ce pourrait n'être là que la chronique d'un fait-divers comme il s'en passe tous les jours. A ceci près que Trevor conduit son enquête loin des pistes habituelles : par-delà les mots, les gestes, dans ces zones grises laissées hors champ où n'existe que ce qu'on tait. Thaddeus fait partie de ces gens qui ne parviennent à s'émouvoir qu'à demi. il est toujours comme ailleurs, fantôme de lui-même, incapable d'accéder à la joie comme au désespoir. Un homme qui ne veut pas être dérangé mais qui regrette peut-être de se savoir tel. Pettie aussi est de ces êtres qui se font peu remarquer, qu'une invisible barrière semble tenir à l'écart des autres. Frustrée par la vie, elle s'invente un amour qui prend peu à peu la place de la réalité. On appelle ça la folie. A moins que cette attitude incompréhensible, injustifiable aux yeux des gens dits raisonnables, ne soit un moyen d'échapper à l'insignifiance que le destin promet à tout un chacun ; un moyen de se rebeller sans avoir à s'expliquer contre un monde d'où la vraie vie s'est absentée. Trevor comme toujours donne une incroyable présence à ces deux êtres apparemment sans relief. A quoi bon inventer des héros magnifiques, taillés pour les grandes actions, les grands crimes, si l'on sait que les êtres quels qu'ils soient sont d'abord des blocs de silence ? Et au nom de quoi les juger, ces êtres, quand on en vient à découvrir que la réalité est un mirage et que n'existent, peut-être, que nos songes ? La critique britannique, dès la sortie du livre en ce début d'année, a évoqué un autre titre de Trevor, En lisant Tourgueniev, qui joue dans un registre proche — façon de dire que le romancier reste au sommet de sa manière. Aussitôt après, le jury du très respecté British Literature Prize le couronnait avec éclat : pour l'ensemble de son oeuvre. Les grands écrivains, dit-on, réécrivent toujours le même livre ; en essayant simplement, à chaque fois, d'aller un peu plus loin. De quoi ne se sont jamais plaints leurs lecteurs. Mourir l'été, dernier roman de William Trevor, paru cette année à Londres, lui a valu le très prestigieux British Literature Prize. La critique l'a aussitôt égalé à l'exemplaire En lisant Tourgueniev (qui vient de connaître un deuxième succès en collection « Libretto ») : façon de dire que le grand romancier irlandais reste au top de son art.

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