Les mots et les torts

Jacques Ranciere

Les mots et les torts
96 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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4.13
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En dialoguant avec le jeune philosophe espagnol – et traducteur de ses ouvrages – Javier Bassas, Jacques Rancière explicite et illustre une idée qui est au cœur de tout son travail : les mots ne sont pas, comme on le dit souvent, les ombres auxquelles s’oppose la réalité solide des choses. Les mots sont eux-mêmes des réalités dont l’action construit ou subvertit un ordre du monde. En politique, le combat des opprimés a constam- ment emprunté aux maîtres leurs mots et détourné le sens de ces mots pour briser le consensus, c’est-à-dire le rapport établi entre les choses et les mots qui compose le paysage sensible de la domination. Cette puissance des mots qui défait un ordre établi en subver- tissant le paysage normal du visible, Jacques Rancière la montre encore à l’œuvre dans les mouvements démocratiques récents depuis la révolution de jasmin tunisienne jusqu’aux mouvements d’occupation des places. Rendre compte de cette puissance des mots dans les combats de l’émancipation implique toute une conception de l’écriture. En répondant aux questions acérées de son interlocuteur, Jacques Rancière revient, pour l’expli- citer, sur une autre thèse qui soutient tout son travail : l’écriture n’est pas l’illustration de la pensée. Elle est un travail de la pensée qui défait le tissu consensuel des rapports entre le perceptible et le pensable. L’écri- ture a été pour lui le moyen de faire sauter les barrières qui excluent ou hiérarchisent : séparation des compétences disciplinaires et, plus radicalement encore, séparation entre ceux qui pensent et ceux qui sont tout au plus des objets de pensée. Dans l’écriture philoso- phique comme dans les processus d’émanci- pation politiques, il s’agit de construire des plans d’égalité en détruisant les barrières qui enferment les humains, leur expérience et leur pensée dans des mondes séparés. C’est ainsi tout un discours de la méthode égalitaire que Jacques Rancière développe dans ce dialogue et que Javier Bassas l’amène à préciser en confrontant ses analyses à d’autres entreprises théoriques : marxisme althussérien, phénoménologie ou déconstruction derridienne.

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