Les pierres écarlates T1 - Les confessions de Barbe-Bleue
Aurora s'extirpa de l'ombrage des grands arbres pour embrasser la lumière. Face à un vaste point d'eau, elle prit une profonde inspiration tout en écartant les bras, appréciant la douce fragrance et l'instant unique de ce moment. Elle aimait cette communion avec la nature, sentir l'herbe sous ses pieds nus, entendre dans le lointain le chant des oiseaux. Chaque matin, la druidesse se sentait revivre à s'éveiller ainsi, entourée de la faune et la flore environnante. Plantes, animaux, elle connaissait tout ou presque mais s'étonnait toujours, chaque fois que son regard pers s'accrochait à un petit détail, même le plus insignifiant. Son ?il expert était bien plus aiguisé que n'importe qui. Elle se percha en silence sur une grosse pierre et observa le soleil se lever et chasser les couleurs de l'aurore. « Mae'r wraig yn y bore. », la petite dame du matin. C'était ainsi qu'on l'avait surnommé. Comment Artus, son père, l'appelait depuis le jour de sa naissance. Il lui disait souvent aussi que c'était une fée qui avait murmuré cela à l'oreille de sa mère peu de temps avant qu'elle ne pousse son dernier soupir. Aurora, Aurora qui ne se lassait jamais de ce spectacle, voir le monde prendre vie sous les rayons de l'astre du jour. Un pâle sourire illumina son visage au teint d'albâtre : cet air mutin qu'elle affichait ne la quittait presque jamais, sauf quand elle pratiquait son art. La guérisseuse redescendit avec la souplesse d'un chat, déposant ensuite son sac d'herbes médicinales non loin pour commencer à se dévêtir. Comme le printemps était bien avancé, elle avait troqué ses vêtements d'hiver contre une robe mi- longue pour pouvoir se mouvoir à sa guise, se glisser entre les branches des arbres, se fondre dans les hautes herbes. Cet habit moiré était parfait pour elle, fille de la forêt. Quand elle le désirait, Aurora pouvait devenir invisible et se jouer des "autres" qui, de temps en temps, arrivaient jusqu'à eux. Sans les voir, sans jamais les voir...