Les Mille yeux de Brian de Palma
Plonger dans la filmographie de Brian De Palma, c'est ouvrir la boîte de Pandore, pénétrer en pleine terre cinéphile, voyager au milieu des fantômes. Son cinéma est une alchimie parfaite entre le cinéma commercial et le film d'auteur, il recèle bien des secrets et se prête à différents niveaux de lecture au fur et à mesure que le spectateur en creuse les mystères. Jeune cinéaste indépendant new-yorkais de la génération de Martin Scorsese, synchrone avec la crise politique et culturelle que connaissent les Etats-Unis dans les années 6o, De Palma fait des débuts douloureux à Hollywood où son premier film lui échappe au profit du studio qui l'a produit. De cette expérience traumatisante naît, au début des années 70, Phantom of the Paradise, fiction sur un musicien dépossédé de son œuvre, qui va devenir un film culte. Arrivé après l'âge d'or du cinéma classique, pour lequel il éprouve une immense admiration, il puise son inspiration dans les genres (l'horreur avec Carne et Furie) et le cinéma du passé, (il retravaille sans cesse la manière et les motifs d'Hitchcock dans Obsession, Pulsions ou encore Body Double). Sa démarche provoque un malentendu avec la critique qui le considère comme le pilleur cynique des trésors du passé. Tout au long des années 8o, ses films, Scarface, Outrages, provoquent systématiquement la controverse. C'est L'Impasse, au milieu des années 90, l'un des plus beaux rôles d'Al Pacino, qui transforme son statut. Avec Mission Impossible et Snake Eyes, se forme une sorte de trilogie de la paranoïa, imposant la vision toute puissante du cinéaste au sein des studios. Après un exil en France et Femme fatale, Le Dahlia noir et ses difficultés de production montrent que la place de De Palma n'est plus au centre du système. En réalisant Redacted, brulôt sur les e¬tions des GI's en Irak, De Palma n'est pas près de se réconcilier avec Hollywood. Il montre par contre qu'il n'a rien perdu de sa capacité à réinventer sans cesse les règles de son art, à interr