Le juif imaginaire
Le juif errant, c'est moi ; le détenu famélique au pyjama rayé, c'est moi, moi le torturé de l'inquisition, moi Dreyfus à l'île du diable ".
Voilà le roman dans lequel j'ai passé mon adolescence. Le différent, l'ecorché vif, le rescapé : je n'en finissais pas de brandir et de savourer cette image. Du judaïsme, je ne retenais que l'adjectif auquel il me donnait droit et l'usage narcissique que je pouvais en faire. J'allais chercher dans mes origines, les fastes que me refusait la trame sans accroc d'une existence studieuse et sage. J'étais d'un seul tenant, un juif authentique et un juif imaginaire.
Ce livre ne raconte pas, après mille autres, l'histoire édifiante et pathétique de l'enfant né au judaïsme sous les espèces de l'injure ou de la malédiction. Il relate un autre cheminement : le passage, jamais tout à fait accompli, de l'ostentation à la fidélité.
Alain Finkielkraut.