Le communisme
Au-delà des polémiques suscitées parLe Livre noir du communismeetLe Passé d'une illusion, voici un ouvrage qui opte pour l'originalité et la modestie. Sa grille d'analyse ? Un emprunt àL'Homme sans qualités, de Robert Musil : le principe de raison insuffisante, selon lequel l'histoire ne serait pas régie par la répétition de lois historiques nécessaires, mais par une loi selon laquelle "ne se produit jamais que ce qui n'a pas de raison valable". D'où une histoire du communisme qui fait fi de tout messianisme triomphant et de toute vision eschatologique.Néanmoins, cette brillante synthèse sur le communisme,– qui en retrace l'histoire mondiale dans toutes ses dimensions : géographiques, politiques, sociologiques et idéologiques– ne manquera de nourrir la polémique. Alexandre Adler use du paradoxe :"Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le mouvement ouvrier classique, né de Marx, et dont la révolution d'Octobre avait pu sembler le douteux mais troublant apogée, disparaît. (…) En même temps, grâce à l'extraordinaire créativité du développement historique, le mouvement communiste, non seulement survit à l'échec de son projet, mais parvient à se développer beaucoup plus vite et beaucoup plus puissamment une fois libéré de celui-ci."Utilisant aussi la métaphore– le parti bolchevik, "un parti profondément tragique" ; Lénine, "entre Dostoievski et Tolstoï"– et de la provocation– un ultime chapitre porte sur "les six morts du communisme"–, l'auteur réussit un double exploit : dépoussiérer une historiographie trop souvent idéologique et faireœuvre de clarté et de pédagogie.--Sylvain Lefort