Le Virgile travesti - Le Virgile travesti
Tandis qu'Aeneas enfila
Le discours civil que voilà,
Didon, de raison dépourvue,
Ne jeta point sur lui la vue.
Les yeux fichés sur le pavé,
Le visage de pleurs lavé,
En son esprit bourru la rage
Faisait un étrange ravage.
Enfin ses yeux elle darda
Sur Énée, et le regarda
Depuis les pieds jusqu'à la tête,
Furieuse comme tempête,
Et puis lui dit ces mêmes mots :
Ô le plus vil des animaux,
Le plus dur et le plus sauvage,
Et qui fais tant de l'homme sage,
Tu n'es qu'un sot, tu n'es qu'un fat,
Tu n'es qu'un larron comme un rat,
Un coureur de franches lippées,
Et tes suivants, traîneurs d'épées,
Qui ne valent pas mieux que toi,
Ne seraient pas vivants sans moi.