La promo : Sciences-Po 86
"Ils ne se souviennent pas de moi, mais moi je les connais. Nous étions à Sciences-Po, à Paris, en 1986, et je les vois tous les soirs à la télé : Frédéric Beigbeder, Isabelle Giordano, David Pujadas ou encore Anne Roumanoff.
Il y avait alors, côté profs, un certain Jean-Pierre Raffarin qui nous expliquait la communication politique, et, côté amphi, une élève discrète et fugace nommée Claude Chirac. Au café Le Basile, deux jeunes étudiants ruminaient et piaffaient déjà, Jean-François Copé et Arnaud Montebourg, sous l'œil ironique des pasticheurs de jalons, orfèvres de la déconstruction politique.
Dix-huit ans s'étaient écoulés depuis Mai 68. Les événements n'étaient pas encore au programme de nos livres d'histoire, qui s'arrêtaient à la décolonisation. Quand les lycéens sont descendus à nouveau dans la rue contre Devaquet, c'est sans la promo 86. Trop tard. Pas de quoi fabriquer une génération.
Talonnés par les trentenaires qui se moquent des lendemains qui chantent mais connaissent l'e-business, coiffés par ceux qui ont fait 68, les anciens élèves de la rue Saint-Guillaume, à quarante ans, jouent et se débattent dans un monde de simulacres. Ils ont appris à douter de tout avant de ne croire en rien, gagnés, derrière leurs sourires, par une certaine mélancolie."
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Ariane Chemin est reporter au Monde, séquence société