La porte du monstre
Nous offrons aujourd’hui à nos lecteurs une nouvelle traduite spécialement pour la Revue Belge par M. Émile Chardome ; son auteur, M. William Hope Hodgson, après une aventureuse carrière maritime, habitait le Midi lorsque la guerre éclata. Il s’engagea aussitôt, prit une part glorieuse à l’épopée, et fut tué en avril 1918. La terre belge garde sa dépouille, qui repose à Kemmel. Il laisse une série d’oeuvres remarquables, déjà très populaires dans les pays de langue anglaise. Plusieurs critiques le comparent à Edgard Poe, dont il n’a, toutefois, ni
l’inquiétante profondeur, ni l’extrême richesse verbale. Mais il s’en rapproche par l’art merveilleux de narrer, par le goût des sujets qu’imprègne une atmosphère de surnaturelle et
macabre terreur. Ce genre fait fureur Outre- Manche. Mais, comme le dit un juge expert, M. André Lang, seuls les demi-dieux de la littérature savent écrire une bonne Ghost story ou
histoire de revenants. M. Hodgson s’était placé parmi cette élite. Il a créé le type de Carnacki, un Sherlock Holmes moins didactique et plus fantaisiste, dont la spécialité consiste dans
l’investigation des cas de « maisons hantées ». Le résultat de ses recherches n’est pas toujours le même : quelquefois, il découvre et met à nu les inventions ingénieuses de gens intéressés à créer l’effroi autour d’un lieu donné ; mais il lui arrive aussi de se trouver aux prises avec de véritables
et terribles spectres, qu’il expulse par des procédés empruntés tout ensemble à la science moderne et à certaines croyances légendaires du Moyen-Âge. En quoi il est bien de sa race et de son pays : car l’écrivain britannique, vu sa qualité
d’Anglo-Saxon, aime les méthodes pratiques et positives ; mais, influencé par ses hérédités celtes et gaéliques, il y mêle volontiers cette poésie superstitieuse qui montrait aux guerriers d’Ossian les ombres des héros dans les brumes de la Calédonie ou au prince de Danemark le fantôme de son père errant sur les terrasses d’Elseneur.