La fille aux loups
Cette maison – leur mémoire – est un musée qu’ils visitent comme l’on rentre dans un pays ruiné. Ils sont épuisés par avance à l’idée de tous les gestes à accomplir. Ils feraient peut-être mieux de détacher leur vie d’une enfance brodée aux initiales de quelques aïeuls oubliés. Ne rien garder, tout balancer, vendre la maison en l’état et n’ouvrir aucun tiroir.
Peut-être s’accrochent-ils à des reliques inutilesu2009? Ils agissent comme ils sont supposés agir. On n’a pas le droit de bazarder toute une vie, on n’a pas le droit de nier le passé, on n’a pas le droit de trahir ses parents après leur mort, surtout pasu2009; on n’a pas le droit d’être indigne à ce point-là, on n’a pas le droit de ne pas respecter les souhaits des défunts. On doit le respect. On doit garder les souvenirs. On doit garder la mémoire.
On doit.
Anna et ses deux frères se retrouvent pour vider la maison familiale, après la disparition de leurs parents. Confrontés aux non-dits, à l’impossibilité de communiquer, ils renouent, dans le jardin, avec le jeu du loup de leur enfance. Resurgissent alors les fantômes du passé, qui ont fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui : une fratrie incapable de faire face aux souvenirs, d’affronter ses fêlures.
À mots couverts et par touches délicates, Éric Pessan eÎlle à dénouer les fils d’une histoire familiale impossible à surmonter.
À partir de matériaux iconographiques éclectiques, Frédéric Khodja jalonne le texte d’indices, et le blanc de la page, le vide des formes découpées, d’évoquer la pesanteur du silence.